Hommage à la Mer
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
Charles Baudelaire
C’est un poignant cri d’amour que nous a légué ce grand poète. Mais aujourd’hui, vraiment, qui se soucie de cette merveilleuse étendue, aussi indispensable à l’homme que peut l’être l’air que nous respirons. Oh bien sûr, elle a ses adeptes inconditionnels, des associations qui œuvrent dans de nombreux milieux maritimes : la sauvegarde du patrimoine en est un bel exemple, et nos musées de la Marine en sont aussi, en quelque sorte, d’admirables fleurons. Mais surtout, il y a les artistes ; peintres, écrivains, historiens, photographes, sculpteurs, maquettistes, navigateurs passionnés, journalistes, et j’en passe, sans oublier cette myriade de scientifiques de tout bord qui travaillent inlassablement à sa connaissance, à son respect, à sa sauvegarde, si souvent malmenée.
Pierre Arnaud Lebonnois de Nehel, président fondateur de l’Académie des Arts & Sciences de la Mer, écrivait dans l’une de ses présentations de notre Académie, dont j’ai l’honneur de faire partie,
Extrait :
« Par son exceptionnel héritage historique, la France détient le second territoire maritime mondial. Pour nos enfants, il ne fait nul doute que l’avenir se trouve plus que jamais au large. Demain, la France sera maritime ou ne le sera pas…
Paradoxalement, et malgré la présence de notre drapeau sur la quasi-totalité des mers et des océans, nos compatriotes souffrent d’une cruelle méconnaissance du monde maritime réel qui les entoure et qui est le leur. »
Bien peu de gens s’en émeuvent. En effet, la mer est un objet, un accessoire de vacances à qui on tourne le dos, sitôt qu’on s’en est allé rejoindre son piédestal de terrien. Je serais néanmoins injuste si j’oubliais cette multitude d’amoureux, qui quotidiennement, le long de nos côtes, habitent, travaillent, et qui, à leur manière, en première ligne, préservent la mer de bien des souillures et méfaits.
Ton berceau
Ois, dans le creux du vent, ma voix indéfectible,
Qui va comme un murmure, accompagner son chant,
Elle est comme un écho, assourdi, mais audible,
Qui saigne aux abords de tous les continents.
J’étais roi au zénith, aimé par tous les hommes,
Qui parcouraient mes flots, sur tous mes océans,
J'avais des noms de dieux, athéniens ou de Rome ;
Neptune tenait ma main, Poséidon, mes flancs.
J’apportais mon tribut, de par la multitude,
Nourrissant tous les corps, de mon ventre salin,
Rien n’existait sans moi, et dans mon amplitude,
J’exauçais tous Les rêves, en forgeant les destins.
Mais la nature humaine, dépourvue d’obligeance,
En s’éloignant de moi, a désappris mon nom,
Elle a, sur tous mes bords, détruit mon élégance,
Et brisé mes entrailles, en pillant mon tréfonds.
Qui saura sur mes rides, chanter comme Baudelaire,
En contemplant son âme, me chérir à nouveau ?
Qui saura « homme libre » en parcourant mon aire,
Dans le flux de mes vagues, reconnaître son berceau.