Notre belle Bretagne

Connaissez- vous ces gens

 

Connaissez- vous ces gens, ces hommes et ces femmes,

Qui dansent en se tenant, le p’tit doigt enlacé

Dans un cercle rythmé de leur pas, tout en charme

Au son de la bombarde et biniou inspiré.

 

Ces groupes en cortège en habit de lumière

Où flamboie la dentelle des coiffes amidonnées,

Les jupes, les camisoles en velours de naguère

Portant des tabliers sublimement brodés.

 

Ces bagads animés, jouant en concordance,

Faisant vibrer les cœurs aux rythmes des chansons,

Qu’ils fussent du Léon,  Cornouaille, où de France,

Qu’importe, ils sont en chœur résolument bretons.

 

Ces marins, artisans, laboureurs, ce monde

Excellant en tout point dans bien autres métiers,

Frères et sœurs attachées à la terre et les ondes

De ce pays du Breizh, si richement varié

 

Armoricain de fait, malgré mes origines,

Je les entends fort bien, partagent leurs valeurs,

Ivre de leurs contrées aux effusions marines,

Où finit l’horizon dans toute sa splendeur.

 

Je suis,

 

Quand éventée au bout du Raz,           

Dans l’air humide des brisants,                 

La mer s’offre au sein du Breizh,        

Comme une femme à son amant.

 

Quand dans la rivière d’Auray,

Dans l’étroit lit de sa langueur,

Tout Saint Goustan* brille et renaît,         

Au fond du port comme une fleur.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans la lumière du ponant,

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

Quand au plus haut de la falaise

Sur les hauteurs de Locquémeau,*           

Flots et nuages se complaisent,

Dans les voltiges d’un oiseau.

 

Quand s’émotionnent au port d’Audierne

Dans un adieu compatissant,

Le cœur serré des bigoudènes,

Aux chalutiers appareillant.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans l’Argoat rayonnant,

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

Quand en léchant la barre d’Étel,*          

Au gré du sable en mouvement,

La mer tricote des dentelles,

En des napperons bouillonnants.

 

Quand à Lorient tout à la fête,

Les nations celtes s’animant,

Biniou et bombarde en tête,

Enflamment le cœur de ses enfants.

 

Au beau pays de ma compagne,

Dans le Porhoët des Rohan

Je suis de toute la Bretagne,

Je suis de tout le Morbihan.

 

* ST Goustan / vieux port d’AURAY

* Locquémeau / petit port des Côtes d’Armor

* célèbre banc de sable devant le port d’ÉTEL

 

 

Idiome ou Gallo                                   

 

La tradition s’en vient, prospère,                                           

Dans les chants et maintes ferveurs                     

Le noir et blanc, naguère austère,                                 

A repris toutes ses couleurs.                                           

 

Les Bretons discourent en breton                                

Dans leur idiome intemporel ;                                        

Ce qui n’était qu’un vieux jargon,                                 

Est devenu sacramentel.                                               

 

Mais, dans ce verbe en renaissance,                               

N’oubliez pas mon cher Gallo,                                       

Il a nourri ma tendre enfance ;                                       

C’est l’âme de mes pères ancestraux.                          

 

Dans les armoires, mille parures,

Brodées dans l’amour des anciens,

De nouveau sortent en mesure,

Pour danser sur de vieux refrains.

 

Les binious sonnent, et les bombardes,

Reprennent en cœur ces harmonies,

Composées par de lointains bardes,

En la Bretagne et la Celtie.

 

Mais de ces belles efflorescences,

N’oubliez pas mon cher Gallo,

C’est le patois de mon enfance ;

Plus que ma langue, c’est mon drapeau.

 

Par Josselin

 

Par les maisons à pans, gravées comme des grimoires

De têtes idolâtrées, investies du passé,

Je vais par Josselin, absorber leur histoire,

Comme un grand livre ouvert, me contant la cité.

 

En guirlandes accolées, scellées en raies de cœur,

S'accouplant à la rue, de pavé en pavé,

Les échoppes d'antan, ces aimables demeures,

S'en vont à queue leu leu, dociles et bien rangées.

 

C'est là, aboutissant devant la basilique,

Entourant le parvis, comme des mains tendues,

Que leurs toits en prière, aux élans euphoniques,

S'en vont toucher le ciel, en ce lieu in situ.

 

Notre-Dame du Roncier, qui en est toute l'âme,

Les couvre de ses bras, plein de sa majesté ;

Elle incarne l'esprit de ces hommes et ces femmes,

Qui ont bâti la ville, autour de sa piété.

 

La chapelle de St-Sébastien

 

Eternel est le temps, impassible gardien,

Qui se rit du cadran et de sa ritournelle ;

En ce lieu, consacré, dédié à la chapelle,

Se tiennent Saint Fabien, et le pieux Sébastien.

 

De blé ou de colza, souvent entourée d’or,

Au gré de la moisson, qui embellit sa pierre,

Elle absorbe les tons de ces jaunes parterres

Qui au pied de ses murs, miroitent sur ses bords.

 

Et quand femme, en ce lieu, porte l’enfant rebelle,

Qui ne peu point marcher, alors qu’il en est temps ;

Elle le met sur le plat de l’autel en priant,

De toute sa piété et instinct maternels.

 

Ici rien n’est osé, tout n’est que rituel

La chapelle esseulée, nous parait dépouillée ;

Rien ne brille d’éclat, sur ses pierres posées,

Son trésor ici-bas, c’est la ferveur du ciel.

 

 

Une bombarde

 

Une bombarde, en sa romance,

Dans le bagad de l’Ann Bihoué,

Donne son jeu en résonance,

Dans la mesure d’un couplet.

 

Les (binious braz) montant en air

Acclimatant tous leurs hautbois,

Reprennent en chœur, la plainte amère

D’un bretonnant chant en émoi.

 

Et les tambours battant en tête,

Rythmant le pas sûr des soldats,

Intensifiant la triste quête,

Roulent la plainte à bon pas.

 

Une bombarde en assonance,

Dans le bagad de l’Ann Bihoué,

M’a pris le cœur en contingence,

Et dans mon âme fait pleurer.

A tous les bagadoù

 

Un bagad, ce n’est point un modeste orphéon,

Ni le bruyant tapage d’une joyeuse clique ;

C’est un chœur, c’est un cœur, vibrant au diapason,

De l’amour d’un peuple pour sa lyre celtique.

 

Dans son chant resplendit l’éternelle harmonie,

Qui d’Armor, d’Argoat, rythme toute son âme ;

Comme le Gwenn ha Du, c’est un hymne à la vie,

Qui de tous ses pupitres, captive et enflamme.

 

N’y voyez point de clan, même en multitude,

Ces « sonnous » ne font qu’un, dans cet attroupement,

Hommes et femmes en son sein, éternel prélude,

En sont le devenir, et la chair et le sang.

 

Sur l’Aven

 

Au fil de l’eau, léchant l’Aven,

Venant de mer par le Pouldon,

Je naviguais, mes voiles en peine,

Dans des vents tristes et mollassons.

 

Je laissais large sur mon bâbord,

Le Hénan, fier de son château,

Mirant sa face et tout son corps,

Déformés dans le pli des flots.

 

Mouillant en rang, en collier dense,

Leur proue ancrée à l’unisson,

Des voiliers pris, sans résistance,

Se trémoussaient comme des bouchons.

 

Filant au gré de ce chenal,

Bigarré par un peintre d’eau,

J’imaginais sur cet étale,

De singuliers et beaux tableaux.

 

Des oiseaux comme des sentinelles,

Me saluaient à la volée,

Dans des ramages, pêle-mêle,

Aux sons aigus de fluidité.

 

Talonnant sec, au moindre écart,

Poussé du lit par les courants,

Je virais vite de la barre,

Dans la dérive du moment.

 

Puis au périple d’une veine,

Dans une courbe très escarpée,

J’abordais l’havre de Pont Aven,

Et sa peinture renommée.

 

Sine

 

Te souviens-tu de ces salines,

Qui mouillaient au bord de Séné,

Qui collaient à l’âme de « Sine*»

Comme un grain d’sel, dans un baiser.

 

De ces voilures, ocres au ponant

Comme des toiles, porte-drapeaux,

Qui se gonflaient de rouges vents

Dans la mâture des Sinagos.

 

De  ce « trois frères* » du temps jadis

Qui s’entendait d’un «  joli vent* »

Faisant rêver encore les fils,

Et les marins du Morbihan.

 

J’irai devant la «Maison rose* »

Dans la mémoire de ce salé,

Me rappeler toutes ces choses,

Qui me reviennent à la marée.  

«Sine » nom Breton de Séné.

« Les trois frères », « Joli vent » nom des Sinagos de Séné.

« Maison rose » Célèbre amer de Séné.

 

A Josselin

Amusement

 

Dans les détours de Josselin,

De par ses rues toutes en mystères,

Enfilant la rue des devins,

Sans être vraiment visionnaire,

 

Je me surprends rue des sorciers,

Pas loin de la rue du chaudron,

Que l’on ne peut point associer,

N’ayant point vu moindre démon !

 

En rejoignant le bord de l’Oust,

Par la poterne au trou du chat,

L’apercevant, je lui dis oust !                                

Tu ne dois pas résider là.

 

Ce diable fuit le long des tours,

Jusqu’au lavoir des Aboyeuses,

Où, sottes dames et chiens rebours,

Brimaient jadis une âme pieuse.

 

Puis pour finir mes jeux de mots,

En passant rue de Cupidon,  

Au Bois d’amour, comme un griot,

J’irai déclamer ce sermon.